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Prison : le langage cru et fleuri des détenus passé au crible

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Publié le 15/11/2012 à 09:30, mis à jour le 15/11/2012 à 11:37

Des matons surveillent le «Club med». THOMAS SAMSON/AFP

En prison, le jargon est cru, imagé, parfois cocasse. On parle un argot où le juge est un «allumeur», où l'on «s'affale» quand on avoue et «une facture de garagiste» n'est rien d'autre qu'un casier chargé.

À travers les coursives de la pénitentiaire, si l'on balance encore quelques railleries à la Audiard, le langage quotidien réside surtout dans les «tchatches mortelles», irriguées des expressions imagées des banlieues. Ceux qui anchtibent (vont en prison) à Alcatraz (Fleury-Mérogis, quartier mineurs), au Club med (Fleury toujours) ou ailleurs, continuent de construire leur argot à la barbe des «matons». Un jargon cru ou cocasse collecté avec gourmandise en entomologiste par un cadre pénitentiaire, Jean-Michel Armand, auteur de L'Argot des prisons, dictionnaire du jargon taulard et maton du bagne à nos jours.

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Sous les verrous, on n'avoue pas, on «s'affale», on ne parle pas de son casier judiciaire, on déplie son accordéon, et quand on a une «facture de garagiste» (un casier chargé), la mélodie peut être longue.

De temps en temps, il faut bien se rendre chez l'allumeur (le juge d'instruction, celui qui vous allume sévère). Pourvu qu'il ne vous fasse pas un chantier (une instruction à charge) sans quoi in fine, on risque bien de se retrouver aux assiettes (les assises) où l'on pourrait ramasser le bouchon (être condamné à 10 ans de réclusion criminelle) - ou même bien se «coiffer perpette».

Les keufs «beurrent le marmot»

Le plus souvent, on est arrivé là «en boîte de six» (version troisième millénaire du panier à salade), parfois après que les keufs aient «beurré le marmot» (fait avouer un suspect d'une façon critiquée par lui...). C'est comme ça qu'on se trouve béton (incarcéré), lorsque l'on a été détronché - identifié par la police.

Alors il faut bien se faire à ses voisins d'infortune, ceux qui ont les doigts dans la tête par exemple (les détenus connus pour les problèmes psychiatriques). Personne n'aime partager la cellule d'un «ouf» un peu trop «fatigué».

Les «fiolés» (grands consommateurs de calmants ), qui avalent une forte quantité de M&M's (pilules bariolées) au moins se tiennent plus tranquilles. Ils marmottent ou font la momie, mais il ne faut pas trop leur tourner les pages (les contrarier) quand même.

On croise «Gari» - ce type dont on ne connaît plus ou pas le prénom, tant l'établissement est plein, et on lui lance dans un souci de sociabilité: «bien ou bien?» «Bien ou quoi?», manière de ne pas trop attendre la réponse convenue à la fastidieuse question «comment ça va?». Ou plus complice: «Et ta cipette, c'est Gwendoline?» (ta conseillère d'insertion et de probation est-elle une jolie femme d'origine «française»?).

«Les gaspards» règnent en maître des lieux

Les plus chanceux descendent au lac (nouent une relation sexuelle au parloir). À condition de ne pas croiser les rois mages (le directeur et ses adjoints).

Les sangliers (aumôniers) et les menteurs (avocats, autrefois baptisés merles) effectuent également quelques visites attendues, mais l'administration veille à ce qu'ils ne se lancent pas dans la fourniture de timbres (cartes à puce téléphonique qui circulent beaucoup en prison).

Enfin, cela, ce ne n'est pas une façon de parler pour les bidons (les détenus âgés, comme ceux de Liancourt, un établissement dans lequel les gaspards (rats) règnent en maîtres des lieux.

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